La demande des organisations
professionnelles, le législateur a intégré dans la loi ALUR des
obligations de formation continue pour les agents immobiliers et les
administrateurs de biens.
Pour être plus précis, sont concernés tous les
personnels titulaires de l'autorisation d'exercer délivrée par la
préfecture, bientôt par la chambre de commerce du lieu d'exercice, mais
aussi tous leurs délégataires salariés de l'agence ou du cabinet, et
tous les agents commerciaux exerçant pour le compte d'une agence.
Au
total, ce sont sans doute 150.000 personnes qui devront désormais suivre
une formation continue chaque année.
La sanction de ne pas suivre ces
formations obligatoires consistera dans le non renouvellement de la
carte officielle portée par ces professionnels.
En réalité, cette
disposition de la loi du 24 mars 2014 n'entrera en vigueur que lorsque
les textes d'application auront éte signés.
Il semble qu'un consensus se
dessine autour de l'obligation de deux jours par an. L'hypothèse de
trois jours avait été émise et elle n'a pas été confirmée. On peut le
regretter.
En tout cas, si
cette durée est arrêtée, il faudra faire le choix de l'essentiel,
c'est-à-dire de l'actualisation juridique et économique des
connaissances.
Guère de place dans ces conditions pour le marketing ou
le management par exemple. Sans compter qu'il sera nécessaire
d'apprécier si les fondamentaux ont été assimilés par les apprenants et
que le professeur pourra juger opportun d'y revenir; dans ce cas, les
deux jours seront bien courts. Guère de place non plus avec cette durée
pour la spécialisation des professionnels qui en ont besoin, les baux
commerciaux par exemple pour ceux qui sont versés dans ce domaine, ou
encore la règlementation des meublés.
Se pose aussi la question de
l'enseignement distanciel, évidemment tentant. On pourrait se former
sans se déplacer, parfois loin de l'entreprise, et sans se couper
vraiment de son activité professionnelle, c'est-à-dire en restant
productif. On peut même imaginer que la formation ne se ferait pas sur
le temps de travail mais qu'elle serait prise sur le temps de loisir...
Le problème est que le distanciel a ses faiblesses. D'abord,
l'inscription d'un individu dans un groupe est d'un enrichissement
majeur pour l'apprenant. Les échanges entre stagiaires et avec le
professeur sont essentiels. Une proportion d'enseignement à distance
grâce aux nouvelles technologies est admissible, peut-être à hauteur du
quart ou du tiers, difficilement plus.
Un autre problème se pose :
attester qu'un apprenant a non seulement suivi la formation, réellement
en présentiel ou virtuellement à distance, mais a aussi assimilé les
savoirs ou les savoir-faire en question. Il sera indispensable qu'un
questionnaire rapide - quiz en langage courant - soit administré aux
apprenants et évalué par le professeur.
Cette exigence conduit à
se méfier d'une autre voie. On entend que les membres du Conseil
national seraient favorables à ce qu'un congrès ou un colloque puisse
être assimilé à un temps de formation ordinaire. D'ailleurs, les
rapports parlementaires du projet de loi ALUR mentionnaient cette
faculté, comme de nature à alléger l'effort de formation. Il est
dangereux de croire que tout est formation : à la clé, il y a le
discrédit. Comment faire accroire que suivre, avec une assiduité
d'ailleurs aléatoire, un réunion professionnelle pendant quelques heures
revient à suivre une journée de formation ? Comment faire accroire
qu'assister à un débat correspond à acquérir des compétences?
Au
demeurant, il va appartenir à la Commission emploi formation de
l'immobilier, organisme paritaire ayant autorité sur la reconnaissance
des formations et sur leur prise en charge financière par le collecteur
de branche, de dire si elle porte un regard extensif ou restrictif sur
ce sujet crucial.
Enfin, estimer sans complaisance la qualité des
organismes de formation continue va être vital. La vigilance devra
s'exercer notamment sur le curriculum vitae des formateurs. On voit trop
de formateurs tellement généralistes qu'ils ne sauraient être
compétents sur tout ce qu'ils transmettent. Il faudra aussi lire avec
précision les programmes et ne pas s'arrêter à l'intitulé.
Par
dessus tout cela, il est désormais urgent que les textes d'application
paraissent. Au fond, si l'on interrogeait l'opinion sur ce à quoi elle
est le plus attachée dans la très décriée loi ALUR, elle dirait sans
doute combien elle tient à cette qualification du corps professionnel.
La compétence mieux partagée, doublée de la déontologie également
attendue, aurait même pu suffire et rendre superfétatoires les autres
obligations de la loi, visant à normaliser les pratiques des agents
immobiliers et des administrateurs de biens. Réussir à bâtir un
dispositif de formation continue honorable est un enjeu lourd pour ces
professions. Le résultat de l'édification en cours sera regardé à l'aune
de son sérieux : soit la communauté professionnelle en restera à des
mesures optiques - de la poudre aux yeux en clair -, soit elle fera le
choix de se transfigurer.